Dix ans après la mort de Zyed et Bouna, la justice va trancher

18.05.2015

L'IMPATIENCE et l'appréhension sont à leur comble, alors que le tribunal correctionnel de Rennes (Ille-et-Vilaine) s'apprête à rendre son jugement. Près de dix ans après la mort de Bouna Traoré et Zyed Benna, 15 et 17 ans, la justice dira aujourd'hui si deux policiers de Livry-Gargan auraient dû porter assistance aux adolescents qui s'étaient réfugiés dans le transformateur de Clichy-sous-Bois.

Seul Muhittin Altun, 17 ans à l'époque, en avait réchappé. Trois semaines d'émeutes dans tout le pays avaient suivi le drame.

Pendant les cinq jours du procès qui s'est déroulé en mars, parquet et défense n'ont fait qu'un. Sans surprise et conformément à ce que le ministère public a toujours estimé dans cette affaire, la relaxe a été demandée. Stéphanie Klein et Sébastien Gaillemin, 38 et 41 ans, ont soutenu qu'ils n'avaient pas conscience du danger encouru par les adolescents. Quand bien même, Sébastien Gaillemin avait signalé sur les ondes avoir aperçu des silhouettes, en train d'enjamber un grillage et dit : « S'ils entrent sur le site, je ne donne pas cher de leur peau. » Au standard du commissariat de Livry, Stéphanie Klein, stagiaire depuis six mois, n'avait pas non plus réagi. Pas plus que d'autres policiers, nombreux à suivre les échanges radio. Mais seuls ces deux fonctionnaires ont été jugés. « L'indifférence coupable de tous ces fonctionnaires, c'est justement le drame de ce dossier », a plaidé Emmanuel Tordjman, l'avocat des familles. Aujourd'hui, les deux fonctionnaires seront soutenus, comme en mars, par des policiers de Seine-Saint-Denis, du syndicat de police Alliance et de Rennes.

Quelques élus de Clichy-sous-Bois ont aussi prévu de refaire le trajet en train, jusqu'à Rennes. « Pour être aux côtés des familles, comme je le suis depuis dix ans, sans a priori », précise le maire (PS), Olivier Klein. Amor Benna, père de Zyed, est revenu de Tunisie pour l'occasion. Il sera accompagné d'Adel, son fils aîné, qui craint que les policiers ne soient relaxés. « On n'est plus trop confiant, glisse-t-il. On a vu au cours du procès comment la procureure était du côté de la défense. On garde un peu espoir, mais c'est dur. » Siyakha Traoré, frère de Bouna, est lui aussi inquiet. Pourtant, à ses yeux, le procès a mis en évidence la responsabilité des fonctionnaires. « Usé », il ne souhaite qu'une chose : « Entendre le juge prononcer le mot Coupable. Et après, la vie continue. » Mais lui aussi doute d'une condamnation : « Dans ce procès, on est face à la police, donc face à l'Etat. C'est comme un lobby. Les policiers pourraient menacer de faire grève... » Au sein de la police du 93, on assure qu'aucune grève n'est prévue, « même si, précise un policier, une condamnation serait très mal perçue ». Les policiers encourent 5 ans de prison et 75 000 EUR d'amende. Un appel est encore possible. Mais seulement en cas de condamnation, puisqu'en cas de relaxe, le parquet -- seul à pouvoir faire appel d'une relaxe -- ne fera pas appel. Les parties civiles n'en ont pas la possibilité. L'affaire serait alors définitivement close sur le plan pénal.