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Matzneff : Alain Juppé, les carpes et les lapins

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Matzneff : Alain Juppé, les carpes et les lapins  Empty Matzneff : Alain Juppé, les carpes et les lapins

Message par tisiphoné Jeu 12 Juin - 17:13

12.06.2014
Gabriel Matzneff a ferraillé contre De Gaulle et Mitterrand. Aussi contemple-t-il avec un mélange de déception et d'amertume le spectacle de notre vie politique.

"Que votre oui soit oui et que votre non soit non", écrit l'apôtre Jacques au cinquième chapitre de son épître. Cet enseignement vaut pour la vie privée, mais aussi pour la vie publique. Les dirigeants de l'UMP ont intérêt à se mettre ça dans le ciboulot, ça leur sera utile dans les mois à venir.

Naguère, tout était simple. Les gaullistes, partisans de l'Europe des nations, d'une politique étrangère enracinée depuis les Capétiens dans l'histoire de France (qu'il s'agisse de l'amitié avec la Russie, de la résistance à l'impérialisme de la Maison d'Autriche ou des liens avec la Méditerranée arabe), se situaient aux antipodes des atlantistes, de la troupe glapissante des défenseurs d'une Europe vassalisée par les États-Unis. Sur des points essentiels regardant l'indépendance et l'unité de la nation, les gaullistes étaient plus proches des communistes que des centristes inféodés à Washington.

Les alliés naturels des centristes étaient les radicaux et les socialistes. François Mitterrand, qui avait les qualités d'un homme d'État, était, comme le général de Gaulle, capable de dire "non" aux Américains, mais dans son camp il était quasi le seul. Plus tard, on lui fera grief de son amitié avec le collaborateur Bousquet. Pour ma part, ce qui alors me désolait, c'était son amitié avec les vieux croûtons rancis et rad-soc, les épouvantails atlantistes : Maurice Faure, Robert Lacoste, André Marie, Guy de Carmoy, auteur d'un grotesque libelle à la gloire de l'imperium américain et de l'Otan, des noms qui aujourd'hui ne disent plus rien à personne, mais qui à l'époque donnaient de l'urticaire aux gens de goût. Je lui en faisais le reproche lors de nos déjeuners rue Guynemer, je l'écrivais dans les colonnes de Combat, il en souriait, m'expliquait avec patience sa stratégie de prise du pouvoir : s'il voulait un jour planter sa tente dans les jardins de l'Élysée, il lui fallait réaliser une OPA sur la SFIO, rallier les centristes, bref, ratisser large. En 1971, il réussit son OPA sur les socialos, mais dix ans plus tard, ce ne fut pas grâce aux centristes qu'il fut élu : il le fut grâce aux gaullistes et à leur haine du centriste Giscard.
Combattre l'hégémonie des États-Unis

J'ose espérer que si M. Alain Juppé, souvent présenté par les politologues comme un "gaulliste historique", ne profite pas de l'actuelle crise qui ébranle l'UMP pour opérer un retour aux sources du gaullisme dur et pur, créer un nouveau RPF, mais se dit au contraire favorable à un parti qui réunirait les carpes et les lapins, c'est pour les raisons tactiques que me déroulait François Mitterrand, et non par amour de l'Europe de Bruxelles et assujettissement aux Yankees ; c'est pour ratisser large. L'espérance étant de nos jours une des rarissimes activités qui soient encore autorisées par la loi, espérons, mais demeurons lucides, c'est-à-dire sceptiques. Parmi les actuels dirigeants de la droite prétendue gaulliste, je n'en vois aucun qui se déclare résolu à ressusciter ce qui fut jadis la politique arabe de la France, à rendre à l'amitié franco-russe le rôle essentiel qu'elle joue depuis des siècles dans l'équilibre européen, à combattre l'hégémonie des États-Unis. Je n'en vois pas non plus à gauche. J'ai bien conseillé ici même à Manuel Valls de lire Barrès, ne serait-ce que Greco ou le secret de Tolède, lui qui est d'origine espagnole, mais m'écoutera-t-il ?

Jouer au laudator temporis acti, au louangeur des temps passés, n'est pas mon genre. Je suis très heureux de vivre en 2014, n'ai aucune nostalgie de 1914, de 1814 ou de 1714. Néanmoins, quand je songe qu'étudiant à la Sorbonne j'eus pour professeurs Vladimir Jankélévitch, Jean Wahl, Gilles Deleuze, Henri Birault en philo, Pierre Grimal, Pierre Boyancé, Jacqueline de Romilly, Antoine Adam, Gérald Antoine en lettres ; que, bretteur à Combat, j'y étais libre de frapper d'estoc et de taille soit pour De Gaulle soit pour Mitterrand (à tort ou à raison, je choisis le camp de Mitterrand, c'était celui du cardinal de Retz, de la Fronde, le plus amusant), je puis sans forfanterie penser que j'ai beaucoup de chance d'appartenir à la génération qui est la mienne ; que dans tous les domaines, à commencer par le plus important qui fut la liberté de vivre nos passions à fond la caisse, nous aurons été extraordinairement privilégiés. Loin de moi l'intention de médire des professeurs d'aujourd'hui, des philosophes d'aujourd'hui, des politiciens d'aujourd'hui, de l'ersatz de liberté dont nous jouissons aujourd'hui, mais, je ne sais pourquoi, ils me paraissent beaucoup moins... enthousiasmants.

Cela dit, 2017 est encore loin. Si les dieux veulent, nous allons peut-être avoir de passionnantes surprises. On dit trop de mal des paroles de la Marseillaise, et pas assez de bien de celles du Chant du départ : "La victoire en chantant/ Nous ouvre la barrière,/ La liberté guide nos pas..."


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