Retraites: retour d'un dossier à hauts risques

Après les réformes de 2003 et 2010, le gouvernement veut un projet de loi, cet automne, pour résorber le déficit du système. Premières rencontres, hier, avec les partenaires sociaux.

Dossier sensible. C'est le dossier social le plus difficile et le plus impérieux des mois à venir. La réforme des retraites est revenue, hier, sur la table. Pour préparer la deuxième conférence sociale des 20 et 21 juin (la première a porté sur la réforme du marché du travail, en cours d'adoption), le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a reçu les représentants des organisations syndicales et patronales. Le but étant d'aboutir, à l'automne, à une révision du régime de retraites actuel. Il y a urgence : le déficit du système dépassera, en 2020, les 20 milliards d'euros. Le gouvernement est aussi sous la pression de la Commission européenne. Celle-ci vient d'accorder un délai supplémentaire de deux ans, à la France, pour qu'elle redresse ses comptes. Mais elle attend, en contrepartie, des réformes de fond. Les retraites en font partie.

Discuter, pas négocier. La réforme attendue cet automne ne sera pas le fruit d'une négociation. Les partenaires sociaux vont donner leur point de vue, mais c'est, au final, le gouvernement qui tranchera. Point de départ de la discussion : un rapport sera rendu début juin par une commission d'experts pilotée par Yannick Moreau, une ancienne présidente du Conseil d'orientation des retraites. Elle devrait mettre sur la table des pistes pour réduire les inégalités (voir l'infographie) et résorber le déficit du régime : soit en améliorant ses ressources (hausse du niveau ou de la durée de cotisation, augmentation de la CSG des retraités notamment), soit en réduisant ses dépenses (désindexation des pensions par exemple). Soit en agissant sur ces deux leviers.

Qui veut quoi ? Le président de la République a déjà exclu un relèvement de l'âge légal de départ en retraite qui passera à 62 ans en 2017. Mais, selon Europe 1, l'Élysée envisagerait d'aligner la CSG des retraités (6,6 %) sur celle des salariés (7,5 %), ce qui ferait perdre 140 € par an à un retraité ayant plus de 900 € de pension mensuelle. Autre piste : désindexer les pensions de l'inflation, comme l'ont décidé, récemment, les partenaires sociaux, pour les régimes de retraites complémentaires. Enfin, il serait question de porter la durée de cotisation (actuellement de 41,5 ans) à quarante-quatre ans à l'horizon 2035. De son côté, le Medef veut « allonger la durée de cotisation à quarante-trois ans d'ici à 2020, et repousser l'âge légal de la retraite à au moins 65 ans à l'horizon 2040 ».

À l'opposé, FO ne voit pour seul levier que le niveau des cotisations. Quant à la CGT, elle s'oppose à un allongement de la durée de cotisation, ou une baisse des pensions. Et plaide pour une augmentation des salaires et de la croissance, appelant déjà à une « mobilisation d'ampleur des salariés ». Ce qui augure de discussions tendues entre les partenaires sociaux. Reste les réformistes de la CFDT. Leur secrétaire général, Laurent Berger, a refusé de prendre position, jugeant seulement « qu'entre âge de départ et durée de cotisation, le paramètre le plus juste était la durée de cotisation ». Il a surtout insisté pour que « l'emploi » soit la « priorité » de cette seconde conférence. Prochain rendez-vous le 22 mai, pour préparer les débats du mois de juin.