Bayrou attend les ralliements après la poussée droitière de Sarkozy

François Bayrou en rêve forcément. Et si quelques dizaines de députés de l'actuelle majorité présidentielle sortaient du rang pour désavouer le tournant droitier de Nicolas Sarkozy, et faisaient du candidat du Modem le seul recours crédible pour battre François Hollande en 2012? Une initiative cousine de l'«appel des 43» lancé par Jacques Chirac le 13 avril 1974: un texte signé par 39 parlementaires et 4 ministres qui, sous couvert de dénoncer la multiplicité des candidatures au sein de la majorité présidentielle de l'époque, avait constitué une véritable charge à l'encontre de Jacques Chaban-Delmas, candidat de l'Union des démocrates pour la République (UDR). Cet appel fut le soutien décisif à la candidature présidentielle de Valéry Giscard d'Estaing, futur vainqueur de l'élection.

Premier à réagir, très violemment, à l'interview accordée par Nicolas Sarkozy au Figaro Magazine, le candidat du Modem a martelé jeudi que «la droite républicaine française et les modérés qui se réclament du centre ne peuvent soutenir plus longtemps une démarche politique qui fait courir de si grands risques à la société française et à l'unité du pays». Et Bayrou d'affirmer que la ligne politique choisie par le président-candidat de l'UMP «contredit tout ce que le gaullisme a été», avant de se déclarer «certain que des gens marqués par le christianisme social ne peuvent accepter ça». Une certitude que le président du Modem, ex-ministre chiraquien, a partagée tout au long de la journée avec de nombreuses personnalités de la majorité.
Scotché en quatrième position

Plafonnant toujours sous les 15% dans les enquêtes d'opinion, François Bayrou est toujours scotché en 4e position dans la course à l'Elysée. Encore loin de Marine Le Pen et toujours à plusieurs longueurs de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Pas suffisant pour susciter, pour l'instant, une levée en masse de parlementaires UMP en sa faveur, même si le malaise grandit dans la majorité. Ce vendredi, d'anciens membres du RPR ayant partagé l'itinéraire politique du gaulliste social Philippe Séguin ont annoncé la création du Collectif d'opinions républicaines (Coloré) pour soutenir la candidature de Bayrou, seul capable à leurs yeux de battre le candidat socialiste. Dans un communiqué, Florent Longuépée et Xavier Jaglin, à l'origine de ce collectif, appellent ainsi «les républicains à se rassembler» et à rejoindre le président du Modem.

Ils assurent avoir d'ores et déjà fédéré une centaine de personnes «provenant pour l'essentiel de l'ex-RPR, de l'UMP et de République solidaire (le mouvement créé par Dominique de Villepin)». Ils espèrent «démontrer» que François Bayrou «incarne aujourd'hui le mieux les valeurs gaullistes et républicaines (...) Par la qualité de son projet, sa posture d'homme libre et sa volonté de rassembler tous les Français, il est le seul candidat crédible susceptible de porter ces valeurs jusqu'au sommet de l'Etat».
«Ce divorce est aujourd'hui irréversible»

Et les deux hommes d'enterrer la candidature de Nicolas Sarkozy: «Au-delà des études d'opinion qui sont unanimes, qui peut nier le divorce entre l'actuel président de la République et le peuple français? Ce divorce est aujourd'hui irréversible.» Un constat qui leur faire dire que «les électeurs comme les élus de la droite républicaine doivent prendre leurs responsabilités: soit ils qualifient François Bayrou pour le second tour (et) ses qualités de rassembleur lui permettront alors d'emporter le duel final face à François Hollande, soit ils se portent au premier tour sur l'actuel président de la République et dans ce cas l'issue du duel est déjà écrite: Françoi Hollande l'emportera».

Isolée, cette initiative n'a rien du raz-de-marée dont le candidat du Modem a besoin pour passer la surmultipliée et accéder au second tour. Mais la vaguelette Coloré de ces ex-séguinistes doit ravir le candidat du Modem... et pourrait donner des idées à d'autres. C'est en tout cas la thèse de Philippe Douste-Blazy, ex-ministre chiraquien, co-fondateur de l'UMP et soutien de Bayrou, convaincu que face à la «dérive droitière» de l'actuel chef de l'Etat, «qui a décidé (de) représenter cette droite pure et dure, cette droite réactionnaire», son favori va apparaître comme un nécessaire «recours républicain». Et Douste-Blazy de se dire convaincu qu'«avec un positionnement comme celui-là», il ne voit pas «comment un centriste, un humaniste, un démocrate social (...) peut voter» pour Nicolas Sarkozy. Ils ne sont encore qu'un petit nombre à l'affirmer publiquement.