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Raffarin: "Sarkozy est un affectif qui se cache"

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Message par tisiphoné Jeu 9 Fév - 12:27

"Il est parfois peu aimable, mais, au moins, il est direct", juge Jean-Pierre Raffarin à propos de Nicolas Sarkozy. L'ancien premier ministre revient sur ses relations avec le chef de l'Etat dans un long entretien pour L'Express.

Il a pris deux ans pour raconter sa vie : Je marcherai toujours à l'affectif (Flammarion, à paraître le 16 février). Son parcours, depuis les terres du Poitou ; la découverte de la politique, avec Valéry Giscard d'Estaing ; l'exercice du pouvoir, avec Jacques Chirac ; la tentation de la sagesse, depuis l'élection de Nicolas Sarkozy. Jean-Pierre Raffarin le Girondin aime faire entendre sa différence. Et, comme le journal de sa jeunesse, le journal de son engagement, ce fut L'Express de JJSS, de Françoise Giroud et de François Mauriac, c'est tout naturellement à L'Express qu'il a réservé ses premières confidences à l'occasion de la parution de son livre.

Si Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy avaient été de grands affectifs, seraient-ils arrivés au sommet?

Tous ces présidents ont une dimension affective forte. Valéry Giscard d'Estaing est un affectif cérébral. La clef d'entrée dans sa sphère, c'est l'intelligence. Autour de la table, c'est à celui qui est le plus brillant. Lui-même organise la compétition autour de l'excellence intellectuelle. Jacques Chirac est un affectif plus naturel, plus spontané. C'est le moins égocentré des présidents. La clef d'entrée, avec lui, c'est l'engagement, l'aptitude humaine à construire un parcours. Nicolas Sarkozy est un affectif contrarié, comme si la vie, dans sa jeunesse, avait été trop dure, comme s'il se méfiait de l'affectif. Il construit des barrières, alors qu'il a des aptitudes exceptionnelles dans la relation affective. La clef d'entrée, chez lui, c'est l'efficacité, or il voit l'affectif comme un parasite de cette efficacité.

Vous vantez le nécessaire lien affectif entre les Français et leurs dirigeants. N'est-ce pas une époque révolue de la politique?

J'analyse, dans mon livre, ma génération, celle des baby-boomers, qui est aussi celle de l'affectif. Gâtée par la croissance, c'est une génération chanceuse et généreuse. Démographiquement, elle compte ! Elle ne réduit pas la politique à l'affectif, mais elle y est sensible. Nos parents ont connu la douleur de la guerre, nos enfants connaissent les inquiétudes du présent. Nos vies ne peuvent pas se résumer à des dettes et à des pollutions, même s'il faut traiter des unes comme des autres. Des valeurs comme la gentillesse ou le respect ne sont pas dépassées. Chasser l'affectif de la puissance publique est une erreur. La technocratie a plus déçu que l'affectif. Voyez la fin du mandat de Giscard. Avec sa compétence, il était considéré comme un "grand" de l'économie, et reconnu comme tel. A la fin, notamment après le choc pétrolier, Mitterrand lui a volé l'affectif et l'a enfermé dans la caricature de l'expert, polytechnicien et énarque.

Quelles similitudes voyez-vous entre la fin des mandats de VGE et de Nicolas Sarkozy?

En 1981, un grand parti de la majorité a fait campagne contre le président sortant: ce fut donc une élection de division. Personne n'a aujourd'hui dans la majorité le poids du Jacques Chirac de 1981. En revanche, la promesse de Giscard est la même que celle de Sarkozy: l'efficacité, par l'expérience et la volonté. Il faudra ajouter quelque chose à cette promesse trop matérialiste, l'électeur a aussi besoin d'un supplément d'âme.

Vous relevez un autre point commun: Giscard et Sarkozy sont de grands séducteurs. "Mais, ajoutez-vous, ils n'aiment pas vraiment s'attarder auprès des gens. Ils vont trop vite."

C'est le danger des crises: elles éloignent des gens. La crise impose l'accélération, un président compte alors ses minutes accordées dans un déplacement, quand les gens demandent du temps. La politesse moderne consiste souvent à donner du temps. La question avec Nicolas Sarkozy n'est pas sa parole, c'est son écoute. L'écoute, c'est du temps, c'est la disponibilité aux autres. C'est la marque de la proximité. Il n'est pas seulement "M. Solution", il se doit aussi de partager sa réflexion. Il vient de le faire à la télévision pour expliquer son diagnostic de la crise et appeler au sursaut. Voilà le paradoxe: c'est Nicolas Sarkozy qui propose le changement, il a mesuré la révolution que connaît le monde.

En quoi marche-t-il à l'affectif?

Chacun sait que la force de Nicolas Sarkozy, c'est la puissance. Il ne doit pas mettre en avant ses défauts, d'autant que la repentance ne lui va pas au teint!

C'est un affectif qui se cache. Le 9 septembre 2011, après une période de vives tensions entre nous, à cause de mon opposition à propos des parcs à thèmes, nous avons eu une vraie conversation. Elle est dans mon livre: "Depuis que j'ai Guéant à l'Intérieur, je peux être moins dur. J'aime ce monsieur... Il a beaucoup souffert. Je n'aime pas la personne de Chirac, je ne l'ai jamais vu lire un livre. J'aime Bernadette. Giscard n'aimait personne. Je suis le plus sensible de tous ces présidents." Quand je lui dis: "Aime un peu ceux qui te soutiennent", il me répond: "Je n'ai pas toujours le temps..."

Comment le président doit-il reconnaître ses erreurs?

Ce qui compte, c'est la sincérité. Chacun sait que la force de Nicolas Sarkozy, c'est la puissance. Il ne doit pas mettre en avant ses défauts, d'autant que la repentance ne lui va pas au teint ! On ne vote pas Sarkozy pour de "l'eau tiède" et je ne lui demande pas d'être ce qu'il n'est pas. Ce qu'il doit rendre possible, c'est qu'un électeur, qui n'a pas la même pratique de l'affectif que lui, puisse voter pour lui. Voter, c'est vouloir plus qu'aimer! Il doit rester lui-même et avoir des amis différents. Il est parfois peu aimable, mais, au moins, il est direct! Il n'est jamais ni sournois ni menteur.

Ici, au Sénat, vous venez de voir la gauche arriver. Au fond, pour vous, le fils d'un ministre de Mendès France, l'alternance au sommet de l'Etat ne serait-elle pas une respiration démocratique?

En théorie, oui. Le problème, ce sont les circonstances et le diagnostic. La France est dans une situation d'extrême fragilité, les délocalisations menacent vraiment l'emploi, certains de nos voisins peuvent être déclarés en état de faillite. Est-ce le moment de l'aventure? Une majorité de gauche aujourd'hui n'aurait rien à voir avec celle qui soutenait Mendès.

François Hollande a-t-il une personnalité en adéquation avec l'époque?

Sa personnalité n'est pas antipathique, mais il est lié par un programme et des alliances. On ne peut pas dissocier, pour quelqu'un qui n'a jamais été dans l'exercice du pouvoir, la personne et le programme. François Hollande affiche un marketing de l'affectif. Mais quelle est la réalité? Nous ne le savons pas. J'ai grand peur d'une société clivée, d'une société dans laquelle on désigne des boucs émissaires, comme il l'a fait en pointant "le monde de la finance". C'est la logique la plus absurde qui soit. Evidemment qu'il y a des bons financiers et des moins bons! Cette logique de radicalisation, de globalisation des adversaires est anti-affective par excellence. Pour l'instant, je le trouve trop accusateur, procureur, pas vraiment rassembleur.

François Hollande veut un nouvel acte de la décentralisation. A-t-il raison?

L'homme de parti se lève le matin en cherchant ses adversaires, l'affectif se lève en cherchant ses amis.

Oui, il faut un acte III, mais François Hollande n'est pas culturellement un décentralisateur. Pour les vrais girondins, le territoire est supérieur aux partis. Sa carrière, c'est l'inverse. C'est pour cela que ce n'est pas un vrai girondin, mais un homme de parti. Dans son parcours, la Corrèze est plus un épisode qu'une expérience. Les partis sont des mécaniques de segmentation, qui s'appuient sur des logiques clivantes. L'homme de parti se lève le matin en cherchant ses adversaires, l'affectif se lève en cherchant ses amis.

Pourquoi François Bayrou ne serait-il pas un bon président?

Si son inspiration, sur de nombreux sujets, est plutôt la bonne, il se trompe sur la crise. Il fait partie de ces responsables qui devraient davantage ouvrir les yeux sur le monde, lequel a considérablement changé depuis que François Bayrou s'est lancé en politique. Il projette une image de la France qui n'est pas celle que l'on voit en Chine, au Brésil ou ailleurs. Il a les capacités à jouer les premiers rôles, mais je pense vraiment que son diagnostic et sa vision gagneraient a s'ouvrir.

Si Nicolas Sarkozy échoue, redoutez-vous une alliance entre une partie de la droite classique et Marine Le Pen?

Je fais partie des sages. Je n'envisage donc pas la défaite de notre stratégie en dehors de ma conscience.

Revenons à votre livre. "L'entrant ne veut pas croire qu'il s'embarque pour Cayenne": Matignon, c'est donc l'enfer. A croire François Fillon, la comparaison est largement exagérée. Avez-vous exercé l'un et l'autre la même fonction?
Jean-Pierre Raffarin en 7 dates

3 août 1948 Naissance à Poitiers (Vienne).

1988 Elu président de la région Poitou-Charentes.

1995 Elu sénateur pour la première fois.

2002 Nommé Premier ministre par Jacques Chirac (jusqu'en 2005).

Depuis 2009 Représentant personnel du président de la République pour la Francophonie. Préside le forum annuel du comité France-Chine.

Depuis 2010 Envoyé personnel du président en Algérie.

Je ne le crois pas. Jacques Chirac avait une pratique traditionnelle des institutions: le président avait un domaine réservé et, en dehors de celui-ci, n'intervenait que stratégiquement sur les gros dossiers. Le lieu des arbitrages, de l'animation gouvernementale, de la coordination de la majorité, c'était Matignon. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy a choisi d'être le chef, y compris du gouvernement et de la majorité, François Fillon est alors en seconde ligne, ce qui s'apparenterait plus à une fonction de vice-président.

François Fillon vous cite souvent en contre-exemple pour la vie après Matignon, vous reprochant votre "aigreur". Est-il difficile de quitter le devant de la scène?

Décider et ne plus décider, être informé et l'être moins, arbitrer et voter les arbitrages, bien sûr, ce n'est pas facile. Très franchement, c'est mal me connaître, je n'ai jamais eu d'aigreur. Je me suis donné des horizons nouveaux: la Chine, l'Algérie, la Francophonie. Si j'ai été hostile à certaines initiatives comme celle sur les collectivités territoriales, c'est par hostilité au jacobinisme, non par aigreur. C'est un procès injuste. En novembre 2010, j'étais pour un acte II du quinquennat. Et je l'ai dit! C'est normal qu'il l'ait mal pris.

"On entre dans un gouvernement plus par la puissance que par la compétence, plus par la confiance que par l'excellence, mais aussi, au moment des bouclages, par hasard, celui du dernier équilibre", écrivez-vous. Au final, il y a donc forcément des erreurs de casting. Entre 2002 et aujourd'hui, quelles ont été les plus flagrantes?

Je n'ai pas de reproches à faire à Jacques Chirac, avec qui j'ai bien travaillé. Ma seule esquisse de regret est qu'il ne m'ait pas assez conseillé dans la constitution d'une équipe.

Il s'agit davantage d'un manque d'accompagnement que d'erreurs de casting. Me concernant, je n'ai pas assez accompagné Claudie Haigneré après l'avoir nommée à la Recherche. J'ai fait un certain nombre d'arbitrages dont elle a pu souffrir, j'ai été mal informé par Bercy. Je n'ai pas été assez attentif à protéger ce que j'avais contribué à construire. La même chose s'est produite pour Rachida Dati, avec Nicolas Sarkozy. On a tendance à nommer et à laisser faire. Or les gens que l'on nomme parce qu'ils sont différents n'ont pas les mêmes réseaux, pas la même manière d'être et de penser: il faut donc être davantage attentif. Je n'ai pas de reproches à faire à Jacques Chirac, avec qui j'ai bien travaillé. Ma seule esquisse de regret est qu'il ne m'ait pas assez conseillé dans la constitution d'une équipe: la nomination de ministres délégués était une erreur.

A la fin des années 1990, vous étiez favorable au droit de vote des étrangers aux municipales. L'êtes-vous toujours?

C'est un sujet de girondins! Dans une France vraiment décentralisée, je serais aussi favorable à des partis régionaux. Mais on en a fait une manoeuvre de politique nationale, c'est pourquoi j'ai voté contre la proposition de loi socialiste au Sénat.

Vous ne dites pas un mot de votre défaite à l'élection à la présidence du Sénat. Certaines blessures affectives restent-elles muettes?

Très franchement, c'est un non-événement pour moi. J'aurais préféré être président. J'ai joué cette carte parce que j'avais le profil en raison de mon ancrage dans les territoires. Je n'ai aucun regret. Je suis aujourd'hui le premier vice-président du Sénat et je m'en porte très bien.
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