Florence Arthaud miraculée au large de la Corse

La navigatrice, qui faisait route vers Marseille avec son voilier, est tombée à lamer au large de la Corse. Elle a passé plus d’une heure et demie dans une eau à 16°C

En cette nuit de samedi à dimanche, le ciel est bas sur la pointe du Cap Corse. De gros nuages empêchent la lune de luire sur les flots paisibles de la Méditerranée. Florence Arthaud, qui a quitté Rome depuis quelques heures, fait route tranquillement vers Marseille. Elle est à la barre de son voilier de 10,5 mètres, Largade II, et termine un tour de Méditerranée en solitaire.

La célèbre navigatrice, qui a remporté la Route du rhum en 1990, est loin de se douter, à cet instant précis, que dans quelques minutes elle va risquer de perdre la vie.

Revêtue d'un ciré jaune, elle ne porte pas de gilet de sauvetage et n'est pas attachée à la rambarde de son voilier. Il est exactement 23 h 10 quand, en voulant satisfaire un besoin pressant, elle bascule dans la grande bleue. Elle tente de remonter à bord de son voilier mais celui-ci, sur pilote automatique, poursuit sa route vers les côtes continentales. Comprenant qu'elle ne pourra pas le rattraper, elle donne l'alerte (lire ci-dessous).

« Je n'avais aucun espoir que l'on me retrouve »

Hier matin, Florence Arthaud avait les traits tirés. Accueillie dans ses appartements bastiais par le préfet de Haute-Corse, Louis Le Franc, elle raconte. « En partant de Rome, j'avais pris le soin de m'acheter un téléphone étanche. Je l'avais mis dans la poche de mon ciré, il était donc sur moi, tout comme une lampe frontale. C'est une vague qui m'a fait basculer par-dessus bord alors que j'étais en train de satisfaire un besoin pressant. Dans l'eau, qui était très fraîche, je ne me suis pas affolée. J'ai réussi à prendre mon portable, mais il m'a fallu quand même quelques minutes pour composer le code PIN et trouver le numéro de téléphone de ma mère. Dans ces moments-là, c'est forcément à ses parents que l'on pense », confie la navigatrice, qui dissimule mal la frayeur qu'elle a eue.

Le ton de sa voix change. « À l'aide de ce téléphone, j'ai indiqué précisément l'endroit où je me trouvais. Je connaissais ma position : j'étais à dix milles nautiques au nord-ouest du Cap Corse. Mais à cette heure de la nuit, vu les conditions climatiques, je n'avais aucun espoir que l'on me retrouve. » Le visage de la navigatrice se ferme. « J'ai pensé, pendant que j'attendais que l'on vienne me secourir, à mon ami Eric Tabarly et à tous les autres navigateurs qui ont disparu en mer. J'ai compris ce qu'ils avaient pu ressentir. J'ai eu très peur. »

Hélitreuillée et transportée à l'hôpital de Bastia

L'eau, qui est à 16°C, commence à lui transir les membres. Mais elle lutte pour sa survie. Elle attendra tout de même plus d'une heure et demie avant que l'hélicoptère Dragon 2B ne la repère, à 15 milles nautiques de la côte.

« Quand j'ai entendu le bruit de l'hélicoptère et vu la lumière de ses projecteurs, j'ai compris que j'étais sauvée. Les sauveteurs m'ont hélitreuillée. En deux minutes, j'étais prise en charge par les services de secours. J'ai été transportée aux urgences de l'hôpital de Bastia-Falconaja. Même si j'étais en hypothermie, je me suis remise très vite et, une heure plus tard, je prenais la décision de quitter le centre hospitalier. »

Soulagée, mais visiblement très fatiguée, la navigatrice lance, en forme de conclusion et en faisant un pied de nez au destin : « Cette nuit, le diable n'a pas voulu de moi. »

Même très marquée par cette mésaventure qui aurait pu lui être fatale, Florence Arthaud n'a pas hésité, hier en milieu d'après-midi, à remonter à bord de son voilier, qui avait entretemps été retrouvé et remorqué.