Est-il déjà trop tard pour endiguer Ebola ?

20.08.2014

Selon un expert, il aurait déjà fallu traiter 30 000 personnes avec les traitements expérimentaux. Un objectif loin d'être atteint, faute de stocks.

L'épidémie d'Ebola continue sa progression et, à l'heure actuelle, aucun vaccin ni traitement à l'efficacité avérée n'a été reconnu comme tel. Devant l'ampleur de la crise sanitaire, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a autorisé le 12 août l'utilisation de traitements non homologués. Cependant, les stocks de ces vaccins et médicaments, tel le ZMapp - un sérum américain aux résultats encourageants -, sont "soit extrêmement limités soit épuisés", selon l'OMS. Or, c'est maintenant qu'il faudrait agir, estime Oliver Brady, épidémiologiste britannique à l'université d'Oxford.

Scénario conservateur

Dans la revue scientifique Nature datée du 21 août, il dévoile les résultats d'un calcul auquel il s'est livré avec deux collègues. Le chercheur estime à 30 000 le nombre de personnes auxquelles il aurait déjà fallu administrer un traitement, curatif ou préventif, pour endiguer l'épidémie. Soit bien plus d'individus que ce que la plupart des experts s'imaginent, selon lui. Son opération est "assez rudimentaire", mais il s'inscrit dans un scénario qu'il juge conservateur, soit basé sur des hypothèses relativement basses. "Vu le taux de mortalité élevé d'Ebola (environ 50 %), l'utilisation de médicaments curatifs et de traitements prophylactiques à une large échelle pourrait soulager les systèmes de santé, plutôt que la seule utilisation actuelle de soins d'accompagnement", explicite le chercheur au Point.

Pour effectuer ses calculs, Oliver Brady a pris en compte quatre groupes d'individus clés : les personnes malades et leur famille, le corps médical, les équipes non médicales sur le terrain, type ONG, et enfin les fonctionnaires et les personnes chargés du support logistique, amenés à se déplacer fréquemment. L'épidémiologiste ne prétend pas calculer le nombre exact de doses à produire, mais tente plutôt d'établir une fourchette réaliste de personnes susceptibles d'être ciblées en priorité. Cette estimation pourrait être revue à la hausse si le virus s'étend des campagnes aux villes, prévient-il.

Pas de hausse de production

À l'heure actuelle, les personnes sous traitement se comptent au mieux en centaines, plutôt qu'en dizaine de milliers. L'entreprise Mapp Biopharmaceutical a déjà envoyé tous ses stocks de son ZMapp en Afrique, cinq personnes seulement en auraient jusqu'à présent bénéficié. Quant à l'Agence de santé publique canadienne, elle a livré environ toutes ses doses - environ 1 000 unités - du vaccin expérimental VSV-Ebov au Liberia, le pays le plus touché par la maladie. D'autres expérimentations cliniques sont à l'essai dans le monde, mais l'OMS ne prédit pas de hausse de la production avant plusieurs mois, "malgré les efforts".

L'épidémie a causé la mort de 1 229 personnes en Afrique de l'Ouest, selon le dernier bilan officiel arrêté au 16 août. Un chiffre largement sous-évalué, comme l'a reconnu vendredi l'OMS.