Valls, le plus adroit des ministres de gauche

Vous avez suivi la prestation de Manuel Valls hier soir sur France 2, dans l'émission Des paroles et des actes - et notamment son débat avec Marine Le Pen. Votre parti pris : Manuel Valls, le plus adroit des ministres de gauche... Donc vous trouvez qu'il s'en est bien sorti.


Il a été à la fois à la hauteur de sa réputation et de la situation. Sa réputation : un ministre entreprenant et volontaire, qui ne donne pas dans le lyrisme, mais qui professe le réalisme. La situation : un gouvernement désorganisé, affaibli au milieu duquel Manuel Valls apparaît comme l'homme fort. Hier soir, il est arrivé avec une formule déjà prête et qu'il a beaucoup utilisée : "la gauche efficace". C'est évidemment une posture, un axe de communication - parce que, durant l'émission, il a plus cherché à se montrer efficace que de gauche. Donc on le présente souvent comme un socialiste de droite - c'est surtout un ministre adroit.

On l'a senti une nouvelle fois agacé d'être comparé à N. Sarkozy. Est-ce que, d'après vous, c'est une comparaison qui a lieu d'être ?

C'est un hommage à Nicolas Sarkozy - ça prouve que son passage à l'Intérieur a marqué, alors que son bilan n'a pas été éblouissant. Manuel Valls est dans la même situation : son crédit dans l'opinion est meilleur que ses résultats contre la délinquance. Alors en effet, il a demandé aux journalistes d'"oublier un peu Nicolas Sarkozy" mais il a assumé des points communs avec lui sur le fond : les quotas d'immigration, les statistiques ethniques, la dénonciation d'une "ghettoïsation" de certains quartiers... La vraie différence qu'il a invoquée, c'est la nécessité de ne pas diviser les Français. Elle relève plus de la stratégie que de l'idéologie.

Le moment qui était très attendu, c'était celui de son face-à-face avec Marine Le Pen. Il y a eu un vainqueur dans ce duel ?

Pas vraiment. C'est vrai que l'affrontement promettait : il rappelait celui de Nicolas Sarkozy avec Jean-Marie Le Pen il y a 10 ans, où Nicolas Sarkozy l'avait bousculé, ringardisé, notamment en tenant sur l'immigration un discours qui alliait la fermeté et l'humanité - dommage qu'il l'ait oublié à Élysée... Manuel Valls n'a pas su (ou pas pu) faire aussi bien face à une Marine Le Pen qui, de toute façon, n'écoutait rien d'autre que sa propre détestation des étrangers. Elle n'a fait que lancer des chiffres pour faire un numéro et c'était frustrant de voir que Manuel Valls n'osait pas la bousculer davantage. À l'arrivée, si ce duel devait lui servir de rampe de lancement pour d'autres ambitions, il devra attendre une autre occasion.

Justement, un nouveau sondage de popularité (CSA-Les Échos), publié hier, classe Manuel Valls en tête des personnalités politiques. Est-ce qu'on a raison de l'imaginer demain à Matignon ?

C'est évidemment trop tôt. Ce qui sonne juste dans ces pronostics, c'est que Manuel Valls incarne une autorité que n'a pas Jean-Marc Ayrault. Ce qui ne colle pas, c'est que sa popularité résulte de jugements positifs qui sont portés sur lui à la fois à gauche et à droite. Or cette addition ne fait pas une majorité politique. Cela dit, les sondages montrent qu'il progresse nettement dans l'électorat du PS. Si l'on considère qu'il est, avec Arnaud Montebourg, l'autre fer de lance du gouvernement, on peut conclure que Manuel Valls défend mieux sa ligne réaliste que Montebourg ne fait valoir sa ligne idéaliste. Mais aussi qu'il est trop tôt pour que François Hollande renonce à vouloir, selon son habitude, courir ces deux lièvres à la fois.