16 handballleurs devant la justice, dont les frères Karabatic

Plusieurs stars du handball français, dont l'international Nikola Karabatic, sont jugées aujourd'hui pour des paris truqués sur un match de championnat de 2012 entre Montpellier et Cesson.

Des gamins pris la main dans le pot de confiture. Et qui prétendent les avoir gardées dans leurs poches. C'est l'impression que laisse l'affaire des paris truqués concernant le match de handball entre Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine) et Montpellier (Hérault) du 12 mai 2012, à la lecture de l'ordonnance qui renvoie devant le tribunal correctionnel seize acteurs de cette escroquerie présumée, dont de nombreux joueurs de Montpellier.

Leur procès débute ce matin et pour deux semaines avec, en guest star, le plus illustre des handballeurs tricolores, Nikola Karabatic. Les prévenus encourent une peine maximale de cinq ans de prison.

Les chiffres sont têtus. Même si les prévenus nient s'être entendus pour miser, les paris engagés sur ce match de fin de saison sont clairement anormaux. Alors que la même rencontre avait donné lieu, l'année précédente, à 1 247 € de mises, la Française des jeux (FDJ) a enregistré pour ce match 104 887 €! Plus troublant, la quasi-totalité de ces engagements (98% des mises) pronostiquait une victoire de l'équipe de Cesson-Sévigné à la mi-temps. Un pari à 2,9 contre 1 qui s'est avéré gagnant.

Un curieux timing. Les statistiques sont décidément cruelles : plus de 99 % des paris ont été pris chez seulement 15 détaillants en France (sur un réseau de 25 000) et 96 % de ces mises ont été prises le jour du match entre 10 heures et 10 h 50 -- un souci de coordination destiné, selon la justice, à tromper la vigilance de la FDJ. Afin de ne pas laisser de trace, les mystérieux parieurs ont utilisé le même procédé : payer en liquide par tranche de 100 €, quitte à miser 4 500 € en 45 fois...

Des compagnes très joueuses. Jennifer Priez, la compagne de Luka Karabatic, et Géraldine Pillet, celle de son frère Nikola, sont renvoyées devant le tribunal. La première a été identifiée comme la jeune femme porteuse de lunettes de soleil et d'une casquette qui a parié 4 500 € dans un bar parisien. La seconde est elle aussi suspectée d'avoir parié. Si Luka Karabatic a admis son pari, tout en niant le moindre trucage du match, son frère Nikola assure qu'il n'avait pas connaissance d'un arrangement.

Des faux parieurs démasqués. Les enquêteurs n'ont pas eu beaucoup de mal à identifier les autres parieurs. Ni à les relier à plusieurs joueurs de Montpellier. Ainsi Nicolas Gillet, un gérant de bar qui a misé 25 000 € dans son établissement et dans le bar voisin et qui est un proche de Mladen Bojinovic, alors joueur de Montpellier. Ou bien Ayoub Chah, un étudiant en kinésithérapie qui a reconnu avoir parié 7 000 € pour le compte de deux joueurs (Samuel Honrubia et Dragan Gajic) avant de se rétracter.

Une escroquerie plus difficile à prouver. Pour asseoir l'escroquerie, encore fallait-il que les parieurs s'arrangent pour que Cesson-Sévigné mène au score à la mi-temps. Seuls quatre des joueurs mis en cause étaient sur le parquet ce jour-là (les frères Karabatic n'étaient pas sur la feuille de match par exemple). Or, tous affirment avoir joué le match à fond. Les juges s'appuient sur deux experts qui ont analysé le match : « La différence d'engagement, de vitesse dans le jeu entre la première et la deuxième mi-temps du match était trop curieuse pour être innocente et conjoncturelle », écrivent-ils.

« Au terme de l'information les éléments recueillis ont mis au jour une conjonction de faits [...] dont il ne peut raisonnablement être soutenu qu'elle est le fruit du hasard et qui n'est au contraire explicable que par une tricherie collective conçue préalablement et mise en oeuvre le jour du match », concluent les juges d'instruction. « On peut considérer que, moralement, les joueurs n'avaient pas à parier. En revanche, juridiquement, le trucage du match n'est pas prouvé, conteste Me Luc Abratkiewicz, l'avocat du Serbe Mladen Bojinovic. Il y avait forcément une part d'aléa dans le déroulement de la rencontre, ce qui anéantit le montage de l'escroquerie. » Ce débat, essentiel, sera au coeur du procès.