Hollande, 90 minutes pour décevoir

07.11.2014

Philippe Tesson déplore le "vide" et le "total aveuglement" du discours de François Hollande, jeudi soir.


Au moins notre président est-il en bonne santé. On l'a trouvé jeudi soir en pleine forme physique. Guilleret, un rien rigolard, juste un peu nerveux. Son optimisme faisait plaisir à voir. À se demander pourquoi le pays est si chagrin depuis quelque temps, alors que nous sommes champions, ou en tout cas en passe de l'être, bientôt les premiers en Europe. "La France est en avance sur son temps", dit-il. Grâce à qui ? Grâce à lui ! "J'ai tout décidé... Je prends tous les risques... Rassurez-vous... Vous n'êtes pas abandonnés... Je suis là pour vous protéger..." Youpi, on a un chef.

Ce fut, comme annoncé, une émission en trois temps. Première séquence : qui êtes-vous, François Hollande ? On était tout excité dans l'attente d'aveux qui permettraient enfin de cerner la personnalité de cet homme mystérieux qui feint d'être normal. Bernique ! La déception est grande, on n'a rien appris. Il est vraiment et désespérément normal. Il s'est dérobé à toutes les bonnes questions qui lui étaient posées. Que des réponses d'une banalité consternante : "Je ne suis pas masochiste, j'ai le cuir tanné, je me cramponne, j'aime les gens, je suis moi-même !" Et cette antienne, répétée à tout propos - "Je suis président de la République" -, comme si finalement il n'était que cela, n'avait jamais pensé qu'à être cela et n'en revenait toujours pas de l'être devenu. En quelque sorte, un homme réduit à sa fonction. Sans coeur, sans âme, sans chair ? Ou alors un tombeau ?

"On espérait un moment d'humanité, on était chez Courteline"

Deuxième séquence : le dialogue avec le peuple. Enfin, le peuple si l'on peut dire : quatre braves gens plutôt sympathiques qui avaient accepté de se prêter à la mascarade d'un jeu inégal mais pour une fois pas mal mené. Ils avaient des témoignages intéressants à livrer, de bonnes questions à poser, et ils le firent chacun à sa manière. Il avait la possibilité d'y répondre avec la hauteur conforme à sa fonction, c'est-à-dire en les élargissant, en s'évadant rapidement du problème particulier mis en cause. Mais non, il s'enferma dans le détail administratif dudit problème, comme un chef de bureau, et la réponse était tellement technique et brouillonne qu'on n'y comprenait goutte. On ne peut décidément rien contre sa nature. On espérait un moment d'humanité, on était chez Courteline. C'était d'autant plus cocasse qu'il ne cessait d'accompagner son galimatias désespérant d'ennui d'un éloge de la simplification administrative, cette tarte à la crème dont on attend encore qu'il la mette au four. On en était navré pour cette remarquable chef d'entreprise d'Armentières qui posait le problème de la réforme comme il aurait dû le faire, lui.

Troisième séquence : la politique, c'est-à-dire le clou de ce spectacle. En fait d'annonce, on repassera. Le vide. Il est vrai qu'il lui reste peu d'annonces à faire, dans l'état de paralysie où il se trouve, vu son bilan, vu son discrédit et vu sa faiblesse politique. Le seul créneau, le seul discours qu'il puisse encore utiliser est la promesse. Il n'y a pas manqué. Mais non plus sous la forme d'un engagement précis, comme on le fait lorsqu'on parvient au pouvoir et que l'on n'a pas encore trahi son contrat, cette carte-là, il ne peut plus la jouer. En revanche, la vague promesse de jours meilleurs. Sur ce chapitre, il est champion, dans le registre du sursis. "Les Français ont un doute, dit-il, parce que les résultats ne sont pas encore là... Mais les résultats seront là." Avec ce mot merveilleux, "tout président travaille pour son successeur", qui cache sans doute et plus ou moins consciemment son espoir et son ambition d'être en 2017 son propre successeur.

Plus que jamais, il a montré hier son total aveuglement face à la réalité.