Éric de Montgolfier : à la recherche d'un nouvel ordre moral ?

22.04.2014

Certaines mœurs rappellent les dérives les plus critiquables de la monarchie. Et la crise confère un caractère intolérable à ces comportements.





Un de chute... un de plus ! Voici qu'Aquilino Morelle, un proche conseiller du président de la République, l'un de ses inspirateurs dit-on, a dû s'éloigner du palais de l'Élysée sur un soupçon de conflit d'intérêts. On croyait que le ministre Jérôme Cahuzac serait le dernier du quinquennat à suivre ce chemin. Il suffisait déjà qu'il soit le premier quand l'élection présidentielle avait paru puiser dans un désir de renouveau moral. Sans doute n'était-ce pas la première fois que la nation s'y réfugiait. Certes, les scandales jalonnent son histoire, mais il est ainsi des périodes où les souffrances traversées la rendent moins tolérante.

La crise économique ne pouvait que conférer un caractère insupportable à bon nombre de ces comportements, qui révèlent l'inaltérable propension de trop de responsables politiques à puiser dans le pouvoir pour des satisfactions qui ne sont que personnelles. L'un des candidats avait paru l'emporter sur l'autre, non sur des compétences difficiles à mesurer, mais parce que celui-ci avait, à différentes reprises, laissé l'impression de privatiser le pouvoir. Pour aimer les rois chez les autres, notre peuple ne goûte guère ce qui lui rappelle la monarchie. En particulier le népotisme lui fait horreur, et la nomination envisagée du fils du président à la tête d'un important établissement public avait profondément heurté.
La morale peut rapidement compromettre le succès

Mais, quand la morale inspire une élection, elle peut rapidement en compromettre le succès, surtout quand il ne vient pas où on l'espère ardemment. Des chaussures à cirer, serait-ce en nombre et sur mesure, n'y suffiraient sans doute pas. D'autres ont du goût pour les montres de valeur, dont on peine à comprendre comment ils peuvent se les acheter. Ces passions intriguent, mais paraissent encore des peccadilles ; elles restent du domaine du tolérable. Lui échappent en revanche ces pratiques qui organisent le pouvoir au profit de celui qui l'a reçu, non comme un cadeau, mais comme une charge.

Les exemples en sont multiples, au point même que, longtemps, elles ont inexorablement paru liées à l'exercice du pouvoir. D'en bas, les citoyens contemplaient ceux qui, ayant reçu le droit de les gouverner, s'en servaient aussi pour s'enrichir. Quand les rois régnaient en France, cela paraissait presque normal tant le pouvoir était concentré. L'enrichissement de Richelieu et Mazarin en sont des exemples. Le surintendant Fouquet n'y a sans doute succombé que parce que son orgueil avait bravé celui de Louis XIV. L'avènement de la République a disséminé le pouvoir, le rapportant à l'intérêt de la collectivité et non plus à la personne du souverain. Alors s'enrichir à son service en s'appropriant indûment ce qui devait lui revenir est, peu à peu, devenu un délit.
Nominations complaisantes

Le développement de la notion de conflit d'intérêts en est la conséquence ; elle stigmatise, dans le principe, celui qui, exerçant une fonction publique, en tire un profit personnel. Tous les procédés qui en relèvent ne suscitent pas la même indignation et, même, on voit bien qu'ils n'interdisent pas à quelques-uns de ceux qui s'y adonnent de bénéficier à nouveau de la faveur du corps électoral. Les affaires touchant à la santé ont un sort différent.

Chacun se sent alors personnellement concerné, moins sans doute par l'atteinte à la probité que par le danger qu'elle implique, notamment quand ceux qui interviennent dans l'autorisation de mettre un médicament sur le marché sont liés à l'entreprise qui en profite. Ainsi individualisée par la crainte d'avoir à en souffrir, la suspicion entraîne une réprobation dont la force est moindre dans d'autres matières, les travaux publics par exemple. Mais, outre une situation économique délabrée, la promesse d'un nouvel ordre moral, vite contredite par des nominations complaisantes, pourrait bien installer l'envie, non de revenir au passé, mais de confier le pouvoir à ceux qui, ne l'ayant jamais exercé, peuvent encore laisser l'espoir qu'ils n'en abuseront pas et, qu'enfin, les fruits passeront la promesse des fleurs.